Dans
le ranch de Mamá Elena
Au début du XXe siècle, durant la révolution mexicaine ; Mamá Elena, veuve, dirige son ranch et élève seule ses
trois filles ; Gertrudis, Rosaura
et Tita, avec l’aide de plusieurs domestiques
indiens.
L’un de ces soirs, avant que Mamá
Elena dise à ses filles qu’elles pouvaient se lever de table à présent, Tita, qui alors avait 15 ans, lui annonça d’une voix tremblante que Pedro Muzquiz
voulait venir lui parler…
- Et de quoi doit-il venir me parler ce monsieur ?
Dit Mamá Elena après un silence interminable qui serra le cœur
de Tita.
D’une voix à peine perceptible, Tita répondit :
- Je ne sais pas.
Mamá Elena lui lança un regard qui pour Tita contenait toutes les années de répression qui avaient
flotté sur la famille et dit :
- Alors, il vaut mieux que tu l’informes que si
c’est pour demander ta main, qu’il ne le fasse pas. Il perdrait son temps et me
ferait perdre le mien. Tu sais très bien qu’il te revient de me soigner
jusqu’au jour de ma mort pour être la plus jeunes des filles.
Ceci étant dit Mamá
Elena se mit lentement debout, rangea ses lunettes dans le tablier et en guise
d’ordre final répéta :
- Nous en avons fini avec ça pour
aujourd’hui !
Tita savait que selon les règles de
communication de la maison, le dialogue n’était pas inclus, mais même s’il en
était ainsi, elle tenta de protester pour la première fois de sa vie.
- Mais, moi, je pense que…
- Toi, tu ne pense rien et c’est terminé ! Jamais
personne de ma famille, dans toutes les générations, n’a protesté cette coutume
et ce n’est pas l’une de mes filles qui le fera.
Dans la famille De la Garza
on obéissait, un point c’est tout.
Le jour suivant Pepe Muzquiz
se présenta à la maison accompagné de monsieur son père avec l’intention de
demander la main de Tita. Sa présence à la maison
provoqua un grand désordre.
On n’attendait pas sa visite. Mamá
Elena les reçu dans le salon, elle se conduisit aimablement et leur expliqua
pourquoi Tita ne pouvait pas se marier.
- Bien sûr, si ce qui vous intéresse c’est que Pepe
se marie, je vous propose ma fille Rosaura, qui n’a
que deux ans de plus que Tita, mais elle entièrement
disponible et prête pour le mariage…
Laura Esquivel, Como agua para chocolate, 1989.