Les sons du Spanglish
Le bureau de
recensement des Etats Unis a communiqué que pour l’année 2000 les latins
formeront le groupe minoritaire le plus important de ce pays, dépassant les
noirs et les asiatiques et totalisant une population supérieure à 70 millions
d’habitants. Un citoyen sur quatre sera d’origine hispanique. Il est probable
que cette explosion démographique transformera absolument tous les aspects de
la culture et de la société américaine, entre autre celui de la langue. En
effet cette métamorphose verbale est déjà en train de se produire actuellement
de façon accélérée : l’espagnol (parlé sur ce continent depuis que les
explorateurs ibériques ont colonisé les territoires occupant aujourd’hui les
états de Floride, du Nouveau Mexique, du Texas et de Californie) s’est
transformé en une langue répandue ces dernières décennies. L’espagnol est la
seconde langue non officielle de la nation comme le démontrent les deux chaînes
de télévision existantes aux Etats unis et plus de 256 stations de radio diffusant
dans notre langue 24 heures sur 24.
Cependant, l’espagnol
ne se propage pas de façon pure au Nord du Río Grande. L’amalgame parlé,
étonnement créatif, par des peuples d’origine hispanique, non seulement dans
les grandes villes mais aussi dans les zones rurales, représente un échantillon
de la « fièvre latine » qui s’est emparée des Etats Unis depuis la
moitié des années 80; ce n’est ni de l’espagnol ni de l’anglais mais un hybride
connu sous le nom de Spanglish. Le terme et l’impacte
qu’il a engendré ont donné naissance à de nombreuses polémiques. L’espagnol
aurait-il perdu sa pureté de façon irrémédiable à cause de ce processus ? L’anglais
deviendra-t-il peut-être moins anglais dans la langue des latins ? Le Spanglish est-il une langue légitime ?
Qui l’utilise et
pourquoi ?
Comme on pouvait s’y
attendre, ces questions ont contribué à créer une atmosphère d’inquiétude et de
terreur chez les enclaves non hispaniques.
Néanmoins, le Spanglish représente la force du destin, un signe
d’originalité.
Bien qu’il ne soit
pas enseigné à l’école, les enfants et les adolescents qui se côtoient
l’apprennent quotidiennement dans la meilleure université disponible : la
vie elle-même.
Ilán Stavans, Revista Encuentro, Otoño de 2000