Me das
vergüenza
Elisabeth Burgos est
ethnologue et Rigoberta Menchú lui a raconté sa vie au Guatemala.
Dans ce texte, elle
évoque son arrivée à la ville à l’âge de 13 ans pour travailler en tant que
servante.
A sept heures la
fille s’est levée et elle est venue me dire, viens par là, tu vas faire la
vaisselle. J’y suis allée avec les mêmes vêtements et la femme du maître vient
et dit : Shuca, retire moi cette gamine d’ici.
Comment peux-tu l’approcher de la vaisselle ; tu ne vois pas comme elle
est sale ? La fille m’a dit : « laisse la vaisselle là. »
Mais la fille aussi était chagrinée . Le balai est là
et va balayer me dit la femme du maître. Et je suis allée balayer la cour.
Arrose les plantes. Ça c’est ton travail me dit-elle. Après viens laver ici. Le
linge est là, me dit-elle. Mais lave très bien me dit-elle, sinon je te jette à
la rue. Bien sûr, j’étais à la ville et je ne savais même pas comment, alors.
Je ne connaissais rien de la ville. Je ne savais pas comment me situer dans la
ville et je ne savais non plus lire ni les numéros ni les rues. Alors j’ai dû
faire ce que m’a ordonné de faire la femme du maître et ensuite, vers onze
heures, ils ont terminé de manger et ils m’ont appelée. « Elle a déjà mangé ? »
« Non » « Donne-lui un peu de nourriture. » Alors on m’a
donné des restes du repas. Je mourrais de faim.
Après vers onze
heures et demi la femme du maître m’a dit, viens par là. Elle m’a mise dans une
pièce et elle m’a dit : « Je vais t’avancer deux mois de ton
salaire. » Elle m’a dit : « Deux
mois et tu dois t’acheter un huipil, une jupe neuve et une paire de chaussures,
pace que tu me fais honte. Mes amis vont venir et comme tu es à la maison. Que
serais-tu pour mes amis ! Mes amis sont des personnalités c’est pourquoi
tu dois changer ton apparence. C’est moi qui vais acheter tes affaires, toi tu
restes à la maison parce que cela me fait honte que tu viennes au marché avec
moi. Donc, je t’avance deux mois de salaire. »
Alors, je ne savais
que lui dire, parce que je ne savais même pas parler Espagnol afin de protester
ou lui dire ce que je ressentais. Je la maudissais intérieurement. La femme du
maître est allée au marché. Lorsqu’elle est revenue, elle rapportait bien la
jupe. La jupe la plus simple qui soit. Elle apportait un huipil tout aussi
simple, elle avait dû l’avoir pour trois quetzals ou environ deux quetzals
cinquante. Et la jupe elle l’a peut-être payée quinze quetzals ou elle l’a
payée moins ; environ douze quetzales. Alors elle m’a dit, je ne t’ai pas
acheté les chaussures parce que l’argent des deux mois que tu dois gagner n’a
pas suffi.
J’ai appris très vite
à faire la vaisselle, laver et repasser.
Mais la femme du maître était tous les jours derrière moi à me surveiller et
elle me maltraitait énormément. Elle me traitait comme si j’étais je ne sais
quoi, pas même comme un chien, puisque le chien on le traitait bien. Le chien,
on l’embrassait. Alors je disais : « Mais je ne suis même pas
comparée au chien. »
J’ai travaillé et je
n’ai pas reçu d’argent durant plus de quatre mois, je crois. Après la maîtresse
m’a payée un peu. Elle m’a donné vingt quetzals et j’étais contente, je les
gardais pour mon papa. Alors elle m’a dit : « Tu dois acheter des
chaussures parce que cela me fait honte que quelqu’un aille ici sans
chaussures. » Je n’avais pas de chaussures. Alors, je me suis dit, je n’en
achèterai pas. Si elle le veut, qu’elle m’en achète, na.