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Je regardais le piano

 

Du plus loin que je me souvienne, ce sont durant ces années là où mon attirance pour la musique  s’est révélée par la fascination que  me procurait l’accordéon avec ses chansons de  marcheurs. J’en connaissais quelques unes de mémoire, comme celles que chantaient les femmes en cachette dans la cuisine car ma grand-mère les considérait comme des chansons de voyous. Cependant, ma nécessité de chanter pour me sentir vivant, ce sont les tangos de Carlos Gardel qui me l’ont insufflée et qui ont contaminé la moitié du monde. Je me faisais habiller comme lui, avec un chapeau de feutre et une chemise de soie, et je n’avais nul besoin que l’on me supplie avec insistance pour que j’entonne un tango à tue-tête. Jusqu’à ce malheureux matin où « Madame » Maman m’a réveillé en m’apprenant que Garbel était mort dans un accident d’avion à Medellin. Quelques mois auparavant j’avais chanté « Cuesta  abajo » lors d’une soirée de bienfaisance. Et j’ai chanté avec tant d’énergie que ma mère n’a pas osé me contrarier lorsque je lui ai dit que je voulais apprendre le piano au lieu de l’accordéon que ma grand-mère avait répudié. 

Cette nuit là, elle m’amena chez les demoiselles Echeverri pour qu’elles me l’enseignent. Alors qu’elles discutaient, moi je regardais le piano depuis l’autre extrémité de la pièce avec la dévotion d’un chien sans maître, je calculais si mes pieds arriveraient jusqu’aux pédales, et je doutais de ce que mon pouce et mon petit doigt puissent atteindre les intervalles démesurés ou si je serais capable de déchiffrer les hiéroglyphes de la portée. Cela fut une visite remplie de beaux espoirs durant deux heures. Mais inutile, car  les maîtresses nous dirent pour finir que le piano était hors d’usage et ne savaient pas jusqu’à quand. L’idée fut reportée jusqu’à ce que l’accordeur annuel revienne, mais ce n’est qu’une moitié de vie plus tard qu’on en reparla, lorsque lors d’une discussion inopinée je rappelai à ma mère la douleur que je ressentis de ne pas apprendre le piano.  Elle soupira :

-        Et le pire- dit-elle- c’est qu’il n’était pas abimé.

C’est alors que j’appris qu’elle s’était mise d’accord avec les maitresses afin de prétexter que le piano était abimé pour m’éviter la torture qu’elle avait elle-même endurée durant cinq années d’exercices stupides au collège de la Presentación.

 

 

Gabriel García Márquez, Vivir para contarla, 2002

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