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Dans la City de Buenos Aires
En se promenant dans la City, Lascano
a une sensation étrange, comme si la ville ne lui appartenait plus, comme si
une multitude de costumes sans tête s’était emparé d’elle. Les envahisseurs ont
environ trente ans, ils marient des costumes obscurs à des cravates criardes.
Ils regardent droit devant eux seulement,
parlent entre eux, ont des câbles incrustés dans les oreilles […]. Qui sont
tous ces gens, d’où sont-ils sortis tous ensemble, que leur est-il
arrivé ? Ils sortent et rentrent dans d’énormes édifices de cristal, ils
sont tous pressés. Ils sont insolents, ils parlent haut et fort et se traitent
entre eux d’abrutis. Tandis qu’il marche
dans la rue 25 de Mayo vers le cœur des affaires de la ville, la masse d’abrutis
se fait plus dense, plus compacte. Il vérifie l’adresse qu’il a notée sur un
morceau de papier, c’est l’un de ces blocs de verres. A l’entrée, il y a deux
types bruns et costauds boudinés dans leurs déguisements de sheriff qui arborent l’étoile et tout. Avant les
ascenseurs, il y a une série de tourniquets surveillés par l’un des cowboys. Lascano voit que tous ceux qui entrent, le font en validant
leur passage par une carte qu’ils portent accrochée à la ceinture.
Ernesto MALLO (escritor argentino), Delincuente argentino, 2007