Recherche vendeuse.
Je travaillais alors chez
Mango comme vendeuse. On me payait des clopinettes et j’étais debout à longueur
de temps. La seule chose que le boulot avait de bien c’est qu’on travaillait à tour
de rôle, tu bossais ou le matin ou l’après midi, de ce fait il te restait
beaucoup de temps libre. Mais pour ce qui est de payer, ce qu’il s’appelle
payer, ils payaient vraiment peu […] Le fait est que j’ai commencé à être amère et c’est alors que
le monstre s’est réveillé, et en chemin pour le travail, je me mettais à
acheter du chocolat. […] Et ainsi, je suis devenue grosse et adieu ma taille
40. […] Et le problème c’est que chez Mango on n’employait pas de vendeuses qui
ne soient pas minces. Et alors, je passe devant la boutique de Superwoman et
que je vois l’affiche : « Recherche vendeuse ». Je suis
convaincue qu’on ne va pas me jeter d’une boutique spécialisée en grandes
tailles, mais la responsable me dit : « En fait, c’est que tu es un
peu obscure et les clientes vont être apeurées, c’est « craignos »
elle me lance ça comme ça. Mais au moins je la remercie pour sa franchise.
Parce que lorsque j’allais demander du travail, je veux dire avant d’avoir
trouvé chez Mango, on n’avait pas l’habitude de
me le dire si clairement. J’envoyais mon curriculum et on m’appelait par
téléphone et on semblait enchanté, mais dés que l’entrevue arrivait, on me
regardait des pieds à la tête et on me disait : « Le poste est déjà
pourvu » parce qu’on n’avait pas de cran et on n’était pas aussi sincère
que cette dame. « Les clientes vont être apeurées ». Et ensuite elle
me demande : « Mais toi, tu es d’où ? ». « De Alcalá
de Henares, madame ».
« D’accord, mais ce que je veux savoir c’est où tu es née ».
« Ben, Alcalá de Henares, madame ». « D’accord, mais tes parents
sont d’où ». « Ben, ils ont passé toute leur vie à Alcalá de
Henares ». La femme était déjà sur les nerfs. « Mais s’ils sont
noirs, ils n’ont pas pu naitre à Alcalá
de Henares ». « Non, madame, mon père est né en Guinée ». Et la
femme semblait à présent soulagée parce qu’elle savait enfin d’ou venait ma
couleur de peau. « Et là-bas , on parle quoi, français ou
indigène ? ». « Espagnol, madame, on parle espagnol ». je
ne sais pas comment j’ai pu supporté une telle
bêtise et que ne l’ai pas envoyée directement « se faire
foutre » , j’ai du lui plaire à la femme, parce que elle me
dit aussitôt : « Bon, en y réfléchissant mieux, viens demain et fais
deux jours d’essai, pour voir si ça marche. » Et j’y suis toujours
aujourd’hui.
Texte original en
espagnol de Lucía Etxebarria,
Cosmofobia
(2007)