On ne peut pas peindre comme avant
Le jeune Pablo Picasso est en train de confier ses
aspirations à son père.
- Vous avez vu ce qui se fait à Barcelone ?
- Tu fais référence à ce que font tes amis bohémiens&n=
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Non, je ne l’ai pas vu ? Mais, ces gens-là, ne sont pas peintres, Pablo.
On ne peut pas peindre en menant une vie insouciante, passant ses journées à
bavarder dans les bars et en fréquentant les maisons closes. Plus de la moitié
sont des riches qui s’amusent en peignant, en voyageant à Paris se réjouissant
avec des affichistes médiocres. Ça ce n’est pas sérieux, Pablo. Ils peuvent se
le permettre, eux, parce qu’ils sont presque tous riches. Mais toi…ils ne
t’accepteront jamais. Tu n’es pas des leurs. Tu es pauvre et andalou ;
aujourd’hui tout le monde t’acclame parce que, et je n’en doute pas, tu peins
mieux qu’eux tous. Combien de temps cela durera ? Je crois que tu dois te
préparer, chercher une issu convenable qui te permettra de vivre de ton talent,
et d’un autre côté…
- Non père. Ça c’est
fini. Je veux rompre avec tout cela. Moi, je ne peux pas peindre comme vos
amis. Ce que je veux, moi, c’est rompre avec la peinture telle qu’elle se fait,
la détruire est ce que je veux. Je veux quelque chose de plus direct, plus
féroce, plus courageux, je ne veux obéir à aucune norme. […] Vous ne voyez pas
ce qui se passe à Barcelone ? En Espagne ?
- Que ce passet-il mon garçon ?
Tout s’écroule. Il y a tout un monde, toute une masse
humaine qui souffre et qui veut être vue et entendue. Moi, je ne veux pas
peindre une réalité apparente et vide de contenu. Il y a de nouveaux mondes,
père. Il y a de nouvelles visions, de nouvelles puissances, et l’on ne peut
plus peindre comme on l’a fait jusqu’à maintenant.
- Et comment devons-nous peindre ?
- Je ne le sais pas encore. Mais je le trouverai.
Esteban MARTÍN (escritor español), El pintor de sombras, 2009
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