« Ils se levèrent avant l’aube »
Ils étaient jeunes mais n’étaient pas soldats ; ils n’avaient jamais tenu une arme ; ils avaient milité dans le pacifisme et la solidarité entre les peuples. C’était des rêveurs. Des métallurgistes, des arrimeurs, des étudiants, des paysans et des intellectuels ; des aventuriers, des révolutionnaires ; des activistes Noirs américains et des Juifs persécutés par les nazis. Au-delà de leur origine, combattre le Caudillo sur la Péninsule, pour tous supposait défier Hitler. Ils croyaient que la guerre civile était le premier assaut d’un conflit mondial qui pourrait être freiné si Franco et ses compagnons de voyage étaient vaincus en Espagne. Pour les brigadistes, il ne s’agissait pas d’une simple guerre fratricide isolée dans un pays frontalier à l’Afrique. C’était l’apéritif de la catastrophe. Le temps leur donnerait raison.
Cette guerre s’achèverait le 1er avril 1939 par le triomphe de Franco et des armées de l’Axe et par l’exode d’un demi million de vaincus. ; Quatre mois plus tard, Hitler, selon le plan prévu, envahissait la Pologne. ; Douze mois plus tard, la France et deux ans plus tard, en mai 1941, l’Union Soviétique. Cinquante millions de personnes périraient lors de la Seconde Guerre Mondiale. La perspective fournie par le temps confirme que les brigadistes furent des visionnaires. Ils parièrent sur la solidarité internationale avec un gouvernement légitime dont la démocratie était piétinée avant que le droit humanitaire et la déclaration des droits humains n’existent. Ils anticipèrent. Une idée que résumerait Arthur London, brigadiste jusqu’aux dernières heures de la République et l’un des protagonistes de ce reportage, avec une phrase : « Ils se levèrent avant l’aube ».
Jésus Rodríguez, El País semanal, 11/12/2011