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Voyageant dans un conteneur
Cela a dû être lors de la mise en vente du premier 33 tours de John Lennon, sans les Beatles, lorsque mon papa n’a plus pu supporter sa situation.
De sorte qu’un matin il se dirigea vers les Etats Unis – en entendant à la radio Lennon et la Plastic Ono Band - mais au lieu de livrer au camion le chargement de jeans américains fabriqués au Mexique qui transporterait le conteneur de l’autre côté du pont, il le stationna dans une rue poussiéreuse de Matamoros, il alla à pied jusqu’à la ligne frontalière et sans être vu se mit dans un conteneur de balles de coton et attendit de traverser.
Le trajet dans le conteneur fut long et sombre. Il n’avait aucun moyen de s’orienter, mais il savait qu’il était aux Etats Unis, parce qu’assis, là, parmi des balles de coton, il sentit la douceur de la route. […]
Il imagina l’autoroute, large, lisse et infinie. Il se demanda quel genre de paysage il était en train de traverser à cet instant et il se rendit compte que, bien qu’il fût depuis plus de quatre heures aux Etats Unis, il avait vu plus de ce pays dans les films. Dans la soirée les fibres de coton qui s’étaient défaites des balles et qui flottaient dans le conteneur s’étaient bien introduites dans son nez et le faisaient éternuer.
Lorsque, enfin, il sentit le coup de frein du premier arrêt, toutes ses frayeurs lui revinrent d’un coup, mais il tenta de se convaincre qu’un collègue transporteur, quelle que soit sa nationalité, ne le remettrait pas aux autorités. Il savait que ce jour-là il était devenu un visiteur illégal. Il pensa également que cela lui serait égal à son collègue. Mais celui qui lui ouvrit la porte arrière du conteneur ne fut pas le transporteur américain à l’air sévère qu’il s’était imaginé, de deux mètres de haut et ayant les connaissances d’un agent de voyages. C’était Virginia Ryder qui, dès qu’elle le vit sortir d’entre le coton, lâcha un petit cri de surprise suivi d’un éclat de rire franc et sain.
Tu m’as fait peur ! S’exclama-t-elle. « Allez, sors de là beau gosse».
María Amparo Escandón (escritora mexicana), Transportes Gonzales e hija. Una vida sobre ruedas, 2005.
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